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Patrick Devaux dans La cause littéraire

Avec un certain décalage horaire du cœur (« Vous alliez à l’ombre Quand je désirais la lumière ») et son sens de l’observation codant les idées sous-jacentes (« Je m’égarais alors A lire entre les fils De clôture Les taches De vaches pie »), inversant l’idée de manière à donner du tonus à une image pouvant suggérer une forme d’écriture – je songe à celle de Dotremont –, Philippe Leuckx laisse surgir des mots une sorte d’animalité sauvage imprévisible et naturelle semblant inverser les rôles dans le temps, à rebours d’enfance car « chaque poème rend pèlerin de soi ».

Avec ses Murs de pierres grises comme semées par le Petit Poucet de son devenir, Philippe arpente son « long sillage du cœur » avec une tendresse menant le lecteur attentif à la « langue douce de l’errance ».

Les textes plus longs alternent parfois avec une seule idée reprise à la page suivante donnant au livre cette impression de dénivelé suggérant la progressivité de la démarche accentuant encore la rumeur d’écrire.

Le cœur frémit de nostalgie, palpite dans une sorte de présence vide suggérant le secret. On cherche la porte cochère qui en comprendra la clé. Sans doute est-ce en partie la poésie elle-même et cette écriture parfois imprimée au charbon noir des anciens terrils.

Une certaine survivance habite l’auteur dans l’évocation des objets à la façon de Ponge : « Parfois la main caresse un bout de passé à ne pas y croire, cette lumière posée dans sa niche de joie, cette perle retrouvée : une photo ou un bibelot sans usage, à peine sauvés de nous ».

On devine très tôt l’enfant au grenier, impatient futur poète « à compter les étoiles ».

L’impatience à dire est flagrante, l’auteur étant, en permanence, en état d’urgence à rattraper les mots comme si l’Univers entier se demandait où va son « Big Bang ».

Les mots alors deviennent des bornes de secours : « Je consens à l’obscur Qui nous perdra Là où se perd l’étoile ». Les images, parfois quotidiennes, ajoutent leur touche d’authenticité à ce qui ressemble davantage à un essai (de toucher du doigt le mot « vivre ») plutôt qu’à un recueil de poèmes auxquels l’auteur nous a habitués : « Je ne sais rien de plus pur que le linge qui balance son ombre et sa solitude ».

Solitude ? Oui, certes. Mais une solitude d’approche comme celle de Max Elskamp ou Séverin, auteurs certes d’un autre siècle, avec d’autres styles mais procédant de la même « rumeur », ce mot si cher à Philippe.

 

Patrick Devaux