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Editions de poésie

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Pour retrouver le corps sous les habits décomposés il faudra ramer et ramer encore sur une barque trop lourde. 

Blesser ses mains jusqu’à ne plus sentir l’entaille, ciel et boue mélangés.

Il faudra ramer sans plus rien savoir des heures jusqu’à accoster au creux de l’hiver dans l’île aux rives piquées de tout petits camélias roses.
Et se réchauffer au feu brûlant d’un jardin rempli d’ombres qui n’avaient pas encore dit leur nom.

 

 

 

Elle gravit lentement la dune. Tête haute.
Ses pas mesurés contiennent et démultiplient l’émotion. Autour de son cou, une longue écharpe blanche déployée par le vent.

L’odeur des immortelles des sables sous son corps magnifique. La dune et la mer en elle, par elle, accordées.
L’écume de sa joie sur ma bouche et mes mains. 
Et son sourire miraculeux pour moi seule. 

 

 

 

Il y a des trous d’air plus angoissants que ceux provoqués en plein vol par la dépressurisation. 

On croit naviguer à la même hauteur, respirer le même air, apprécier (en veillant bien à ne pas surligner ) les mêmes nuances, même si les nuages n’ont pas la même densité pour l’un et l’autre regard, avoir prévu les omissions, les oublis et autres avatars du voyage, on ne peut rien faire contre l’accident brutal : le non partage d’une musique ou d’un poème choisi pour l’être aimé.

Bien pire que l’attente amoureuse trompée, c’est l’air qui manque soudain dans l’habitacle qu’on avait cru sécurisé. 
C’est le hublot qui éclate.
La bouche désirée qui devient laide. 
L’aile qui pique vers le premier bosquet venu. 
Le cœur qui implose. 
La page cornée au grand livre d’amour qui devient banale. 
La partition déchirée, peut-être irréparable.   

 

 

 

Trop de tout
Hormis l’ombre 

Des cris venus de très loin 
Creusent la peur
Sans rien savoir du temps 

 

 

 

 

On se pencherait au-dessus du nez de la barque. On regarderait longtemps le bloc d’or et la brisure du reflet. 

Le passeur serait déjà trop loin pour effrayer.

L’œil descendrait le long des branches sombres jusqu’aux veinules les plus ténues. 
Jusqu’au fond du miroir. 
Jusqu’aux rameaux de sang figé.
Jusqu’à la forêt qui tremble d’oubli.